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Introduction

Projet : « Anthropologie des mathématiques »

1- Objectifs et contexte

Nous avons l’habitude de penser que les mathématiques sont une activité intellectuelle et savante, pratiquée dans des institutions. C’est probablement pourquoi l’ethnomathématique, en France en particulier, est un territoire pratiquement inexploré. Notre projet a pour objectif de remédier à cette lacune en formant un groupe associant anthropologues, mathématiciens et historiens des mathématiques pour explorer des pratiques mathématiques observées hors du champ savant et institutionnel, et hors des territoires balisés que sont l’Europe et les États-Unis. Nous entendons mener des enquêtes sur des terrains spécifiques et localisés.


2- Description du projet

Nous proposons, en effet, l’examen d’activités mathématiques en Papouasie Nouvelle Guinée, en Arctique et en Inde. Ces activités (des jeux de ficelle, des devinettes…) reposent sur une part de la pratique mathématique qui n’est pas écrite, mais transmise soit oralement soit par l’apprentissage de gestes.
L’identification de telles activités mathématiques pose de nombreuses questions. En effet, lorsque des activités ne sont pas identifiées comme des mathématiques par ceux qui les pratiquent - ce quiest le cas pour les jeux de ficelle de Papouasie Nouvelle Guinée ou de l’Arctique - comment reconnaît-on qu’elles appartiennent au champ des mathématiques ? Par quels critères ?


Ces questions fondamentales ont été pour l’instant très peu étudiées. Citons le travail de l’éthnomathématicienne américaine Marcia Ascher dont le livre [Ascher, Marcia 1991] a été traduit en français par Karine Chemla et Serge Pahaut (voir en particulier la postface discutant de ces questions : pp259-278.) Marcia Ascher propose une méthodologie permettant l’étude d’une activité qui semble être mathématique (graphes sur le sable, orientation, jeux, frises…) par une analyse structurale de ces activités, réécrites dans notre propre langage symbolique. Ce travail, selon Marcia Ascher, peut nous aider à mieux comprendre les structures de ces activités et révéler leur caractère mathématique. Cette approche nous semble devoir être discutée, développée et enrichie.


Par ailleurs, des ethnolinguistes et ethnomusicologues réfléchissent depuis plusieurs décennies aux conditions de possibilités d’une recherche située aux frontières de différentes disciplines. Certains ethnomusicologues, héritiers des travaux de Simha Arom, se posent des problèmes qui semblent très proches de nos préoccupations : tout comme pour une activité mathématique, identifier, étudier ou définir un système musical ne va pas de soi. Il en va de même pour les linguistes et ethnolinguistes. Un travail en collaboration avec ces chercheurs, déjà sensibilisés à l’interdisciplinarité, permettrait certainement une dynamisation de notre recherche. En particulier, c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité une collaboration avec Frank Alvarez-Pereyre (linguiste et ethnologue, Directeur de recherche du laboratoire Langues-musiques-sociétés du cnrs), partenaire du projet, qui a réfléchi aux exigences de la recherche interdisciplinaire ([Alvarez-Pereyre, Frank 2003].)


Nous nous interrogerons également sur les possibilités de circulation entre des activités identifiées comme mathématiques par ceux qui les pratiquent et les corpus de mathématiques savantes. Certaines de ces activités sont en effet anciennes, et leur étude offre ainsi une ouverture sur l’histoire des mathématiques. Par exemple, dans le cas des devinettes mathématiques du Tamil Nadu, des poèmes récités dans des villages « illettrés » se retrouvent dans des textes « savants » du XVIIème, posant donc la question de la circulation entre activités mathématiques et mathématiques savantes par le passé.


Notre travail s’articulerait ainsi autour de terrains qui sont autant de manières de réfléchir sur la façon dont une activité mathématique devient un « savoir. » Comment s’élaborent des mathématiques savantes ? Quelles interactions entretiennent - elles avec des activités qui n’en sont pas ? Il s’agit bien d’une réflexion sur la nature des mathématiques, entre savoir et activité, que nous entendons mener en confrontant des approches anthropologiques, historiques et mathématiques.


Notre projet est assez modeste car il reflète le peu d’attention portée à ce type d’activité en France. Nous nous concentrerons sur deux terrains de recherche : l’un porte sur les jeux de ficelle en Papouasie Nouvelle Guinée et en Arctique, l’autre sur les cultures mathématiques populaires au Tamil Nadu. Ces terrains d’études seront accompagnés par un séminaire qui s’étendra sur trois ans, et qui rapprochera des laboratoires d’anthropologie avec un laboratoire d’histoire des sciences. Séminaire bibliographique la première année, d’invités la seconde (nous comptons par exemple inviter Marcia Ascher), il se transformera en séminaire de travail au bout de la troisième année en fournissant la matière à une publication autour de ces travaux. Nous chercherons ainsi à éveiller l’intérêt de certains anthropologues pour les activités mathématiques et réciproquement nous espérons faire réfléchir les historiens des mathématiques sur le contexte plus large dans lequel les textes et la discipline qu’ils étudient ont pu se développer.


Par ailleurs, nous avons contacté des acteurs du monde du documentaire. Nous espérons pouvoir élaborer avec eux des projets, visant à produire des documentaires radiophoniques et cinématographiques, dont l’objectif sera d’offrir au public une nouvelle vision, peut-être plus ludique, des mathématiques.