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Décembre 2004 : Marcia Ascher

Compte rendu de la séance du 2 décembre 04 consacré

au travail de Marcia Ascher




La séance commence par un tour de table où chacun se présente et explique les raisons de sa venue et ce qu’il/elle attend du groupe de travail.


Agathe Keller explique que c’est en tant qu’historienne des mathématiques en Inde qu’elle en est venue à s’intéresser à ce sujet, tant pour tenter de reconstituer l’environnement mathématique dans lequel se situent les textes mathématiques sanskrits qu’elle étudie, que parce que l’Inde d’aujourd’hui présente de nombreuses traditions vivantes des mathématiques. Il s’agit soit de traditions reconnues comme telles par ceux qui les pratiquent (traditions comptables par exemple) ou identifiées comme tel par des ethnomathématiciens (par exemple les Kolams en Inde du Sud).


Eric Vandendriessche est enseignant de mathématiques, qui après un DEA d’Histoire des Sciences, continue une thèse sur les jeux de ficelles, perçus comme un objet mathématique, ethnomathématique.


Il s’intéresse à tout ce qui touche l’enseignement oral des mathématiques, et voudrait définir ce qu’est une idée mathématique.


Sophie Desrosiers est anthropologue. Elle étudie les techniques de tissage dans les Andes. Elle a étudié l’histoire des textiles précolombiens, notamment en Bolivie. Elle a ainsi mis en lumière une mathématique (ou une logique) des techniques de tissages s’exprimant par le biais de tableaux à double-entrée, qui décrivent la manière dont on combine les fils les uns avec les autres. De tels structures tabulaires semblent pouvoir se retrouver dans d’autres sphères des sociétés pré-colombiennes ou de sociétés contemporaines des Andes. De manière plus générale, Sophie Desrosiers se pose la question de savoir comment des principes mathématiques peuvent êtres utilisés dans la vie quotidienne.


Marc Chemillier est un informaticien qui est venu à l’ethnomathématique par l’ethnomusicologie. Il travaille actuellement sur les structures logiques et rationnelles des pratiques divinatoires à Madagascar. Il voudrait trouver un moyen de mettre en rapport ces structures et la manière dont les autochtones en parlent. S’intéresse au rapport entre le savant et le spécialisé.


Stella Baruk veut que l’on distingue des pratiques culturelles et cultuelles, des pratiques mathématiques. Elle voudrait que l’on définisse le mot mathématique utilisé dans l’expression « ethno-mathématique ».


Est professeur en IUFM, il enseigne la logique, et s’intéresse à l’émergence de la logique, de son rapport à la rhétorique et aux mathématiques.


La séance se poursuit alors, par un début de compte rendu par Eric Vandendriessche des travaux de Marcia Ascher, et notamment de son ouvrage phare, Ethnomathematics : A Multicultural View of mathematical Ideas . Pacific Grove, California, Brooks/Cole Publishing Compagny, 1991.


Malgré ses défauts, le livre propose des méthodes pour mettre en lumière des idées mathématiques, des procédures dans des activités qui à priori ne semblent pas relever de ce propos et dans des sociétés dont on disait qu’elles n’avaient pas d’activités mathématiques.


La discussion tourne autour des critères de scientificité utilisés par Marcia Ascher. Pour Agathe Keller il y à un sorte de racisme inconscient de s’émerveiller du fait que des sociétés sans écriture, ou tout simplement très isolées, aient des capacités de raisonnement logique. Cette capacité n’est pas un gage de mathématicité renchérit Stella Baruk. Marc Chemilier insiste qu’il ne faut pas penser aux ethnies comme des populations qui ne font que survivre. L’existence, dans toutes les sociétés, de musique en témoigne.


Eric Vandendriessche se pose la question du rapport de ces activités avec les mathématiques écrites. Marc Chemilier cite Davis & Hirsch, l’Univers Mathématique, qui théorise la distinction entre discours mathématique et pratique mathématique.

En revenant aux critères de scientificité, pour Stella Baruk, le fait de posséder et d’utiliser le quantitatif (la notion du numérique) et la géométrie (la notion de figuratif) ne suffit pas pour accéder au titre de « faire des mathématiques ». Marc Chemilier estime qu’il faut faire une différence entre des raisonnements analytiques et analogiques. Les premières étant étant de l’ordre du formalisé, les seconds de l’intuitif, les deux étant des mathématiques.


Eric Vandendriessche revient à Marcia Ascher et à sa manière de trouver du mathématique dans les jeux, les rituels et dans leurs rapports les uns aux autres. Marcia Ascher propose des classifications, des pensées en termes d’algorithmes et montre qu’il existe des systèmes de classification et des systèmes de procédures. Est-ce que des systèmes de procédures peuvent être conçus comme des mathématiques ?


Pour Stella Baruk, les mathématiques sont caractérisées par la nature de leurs objets, pas par les processus qui les transforment. Peut-être que se pose ici la question, même dans les sociétés développées de l’unité des mathématiques (est-ce que l’informatique, c’est des mathématiques ?). Des sujets sont abordés en vrac : quelles sont les sociétés étudiées par Marcia Ascher ? Dans son premier livre, elle semble étudier des « sociétés isolées » mais dans son second elle aborde aussi des pratiques populaires et non savantes de sociétés possédant par ailleurs des mathématiques savantes.


On évoque des disciplines qui font appel à des structures complexes, et dont on débat pour savoir si ces structures créées par les acteurs et utilisés par eux, relèvent d’une activité consciente ou inconsciente : c’est ainsi le cas pour la linguistique, la musique ou les liens de parenté.


Eric Vandendriessche souligne que chez Marcia Ascher le concept d’intentionnalité est très important. Celui de sens aussi.


On revient ainsi de nouveau à l’idée de savoir si des opérations pensées, organisées intellectuellement et travaillées intellectuellement, qui élaborent un système sur des objets abstraits (comme des transformations de ficelle ou des tableaux de graniens ou des dessins sur le sable) sont des mathématiques ou non. Sont ainsi évoqués les visualisations en mathématiques, et chacun de Marc Chemilier, Eric Vandendriessche et Agathe Keller d’évoquer leurs expériences à ce sujet.


L’unanimité se fait sur la question des terrains : En effet, Marcia Ascher ne travaille que sur des ouvrages de seconde main, pour faire de l’ethnomathématique, il faut aller voir sur place comment précisemment les choses se font et sont pensées. On se demande ainsi, lorsqu’on lit certains de ces articles, qui d’elle ou des acteurs qu’elle décris nomme les procédures.


On décide donc de modifier le programme des séminaires à venir, et de plutôt faire parler des personnes qui ont fait des terrains, pour discuter de leurs travaux avec eux.