Partenaires

logo Equipe Chspam
Logo Laboratoire Logo équipe Chspam
CNRS
Logo Université Paris-Diderot Logo Université Paris1-Panthéon-Sorbonne


Rechercher

Sur ce site

Sur le Web du CNRS


Accueil > Archives > Ancients projets de recherche > Anthropologie des mathématiques > Version française > Les séminaires > Compte-rendus > Mars 2005 : Dominique Vellard

Mars 2005 : Dominique Vellard

Séance du 10 mars 2005

discussion des travaux de Dominique Vellard



Etaient présents : Sophie Desrosiers, Robin Jamet, Agathe Keller, Alain le Mignot et Eric Vandendriessche, Dominique Vellard.


Dominique Vellard commence de manière assez informelle en se présentant et en parlant de son parcours. C’est en enseignant les mathématiques à l’école de Jeunes Filles de Bamako (Mali) au milieu des années 70 qu’elle a commencé à se poser la question du savoir possédé par ses élèves. À l’époque en effet, comme c’est encore beaucoup le cas, l’enseignement des mathématiques se faisait en français avec des manuels français : tout était différent le contexte d’apprentissage et les personnes concernées, mais l’enseignement devait être exactement comme en France. De retour en France elle fait un DEA de didactique, puis rencontre Françoise Héritier qui la met sur la piste de l’ethnomathématique, qui n’existe pas vraiment à l’époque.


S’en est suivi toute une aventure, impliquant une recherche sur les logiques de jeu au Rwanda, le calcul mental en langue Bambara (Mali- dont l’article Vellard, D. (1988). "Anthropologie et sciences cognitives : une étude des procédures de calcul mental utilisées par une population analphabète." Intellectica 2(6) : 169-209 rend compte, ainsi que sa thèse), puis un terrain au Canada auprès de populations Amérindiennes du Nord Ouest. Elle rencontre dans un colloque une personne d’origine Mixe qui tente de ranimer cette culture, par le biais de la langue. S ’en suit un terrain décrit dans l’article


Vellard, D. (1999). Collaborative Reasoning : How a group of speakers Retrieve Collectively the Cognitive Meaning of their Traditional Numeration. European Conference Cognitive Science (ECCS) , Istituto Di Psicologica,dont tous les documents ont été par la suite perdus, si ce n’est pour une cassette VHS de 15mn.


Elle s’intéresse à présent à une communauté de femmes marchandes au Togo. L’idée est non seulement d’effectuer un terrain mais également de mettre en place un groupe avec des étudiants Togolais pour initier un mouvement.


Le travail de Dominique Vellard peut ainsi être mis sous le sceau du dialogue et de la collaboration. Elle conçoit ses terrains sur le mode de dialogues semi-directifs, l’objectif étant un partage du savoir. L’ensemble de sa réflexion prend la langue pour support, et ses terrains peuvent aussi être vus comme une tentative pour des communautés isolées et minoritaires de retrouver et préserver leur culture en préservant leur langue. La culture mathématique n’est qu’une dimension particulière d’un problème plus global.


Agathe Keller polémique sur divers aspects de l’article de 1999. Dominique Vellard précise qu’il s’agit d’un poster. A. Keller se demande quelle est l’idée que Dominique se fait de l’historicité du comptage en base 20. Est-ce que l’on peut vraiment penser qu’anciennement les Mixe comptaient dans une pure base 20, qu’ils utilisaient tous les mêmes méthodes ? Comment peut-on être sûr qu’il s’agit des mêmes processus cognitifs ?


Dominique Vellard s’attache à décrire la manière dont collectivement cette manière de (re)trouver un comptage s’est élaboré. Elle s’est appuyée sur le recueil d’un texte par son collègue Mixe, datant de 1733 qui répertorie la manière de compter des Mixe, et le témoignage d’une personne provenant d’un village. Ce dernier recoupe exactement le texte de 1733. Dominique Vellard pense qu’il est probable que les Mixe ce soir là ont vraiment retrouvé des manières de noter et dire les nombres remontant à très longtemps, peut-être même jusqu’à l’époque Maya. Sophie Desrosiers intervient pour souligner qu’elle possède sur son terrain une continuité attestée : on peut y retrouver des modèles de tissage datant de la période préhispanique des Andes. Elle dit qu’il faut néanmoins faire cette histoire pour s’en assurer.


Agathe Keller demande si sur les terrains que Dominique Vellard a pratiqués, elle a observé des gestes liés au calcul. Dominique Vellard précise, suite à un malentendu, que les brindilles et les pierres, dans l’article sur les Mixe, servent à reproduire la notation maya et non pour compter. Dominique Vellard insiste au contraire que le calcul mental est toujours très abstrait. Il n’y a qu’une fois au Zaire qu’elle a observé des gestes de calculs.


Sophie Desrosiers raconte l’histoire d’un enfant français de niveau collège, passionné de mathématiques qui a développé son propre système pour calculer, et qui se trouve en conflit souvent avec ses profs de mathématique : ce n’est pas seulement au Mali et au Mexique mais aussi en France que l’on peut connaître des conflits de culture mathématique.


Eric pose la question de la transmission de ces techniques au Mali : est ce que les enfants sont laissés à eux-mêmes pour apprendre le calcul mental ? Dominique Vellard explique qu’il existe pour le calcul mental un nombre limité d’algorithmes. Les gens sont plus ou moins rapides dans l’exécution, mais ils suivent toujours une structure fixe.


Agathe et Sophie lui posent la question du protocole de terrain : combien de personnes ont été interrogés au Mali, au Mexique, sur quelle région, pendant combien de temps, etc. Dominique Vellard explique qu’elle fait du qualitatif, pas du quantitatif. Elle n’a pas de prétention à l’exhaustivité, et avait sur ce point l’accord de Françoise l’Héritier. Sophie Desrosiers explique que ce genre d’information permet à d’autres personnes de compléter ou reprendre son travail, qui devient inutilisable sinon. Dominique Vellard revient donc sur les conditions de son terrain au Mali, et sa recherche d’un milieu de langue Bambara le plus pur possible. Elle explique les enjeux politiques de préservation et de défense d’une langue minoritaire et des connaissances scientifiques. Agathe Keller intervient sur la dimension politique de ces volontés de préserver une culture, lorsqu’il s’agit d’un groupe traditionnellement opprimé : en Inde ces mouvements sont souvent noyautés par des mouvements politiques, parfois de l’extrême droite religieuse. De plus, lorsqu’il s’agit d’ethnoscience, se pose la question de la valeur de vérité des discours ainsi recueillis. La discussion dérive sur les bienfaits ou non de l’urine de vache.


Dominique Vellard reprend sur l’inscription dans la langue des raisonnements. Elle raconte qu’elle s’est intéressée au Rwanda dans les années 80, puis au Mali à la question de l’expression des raisonnements, notamment dans les jeux. de telles études permettraient une traduction plus juste des raisonnements mathématiques dans ces langues. Elle donne comme exemple la double négation qui en Français et en Anglais et aussi en Bambara signifie une affirmation, mais qui est en espagnol une négation. Agathe Keller demande à Alain Le Mignot, s’il s’agit là de logique. Alain Mignot acquiesce, la discussion tourne autour de la frontière entre langue naturelle et langue mathématique. Dominique Vellard explique l’effet positif de ces traductions dans la langue parlée, plutôt que de cantonner les mathématiques à une langue savante et étrangère (comme le français au Mali). Agathe Keller souligne que l’étude des traductions est une tarte à la crème de l’histoire des transmissions mathématiques.


Eric Vandendriessche revient à l’article sur le Mali, pour tenter de comprendre ce qu’est l’anthropologie expérimentale. Pour Dominique Vellard, ce sont des entretiens semi-directifs. Sophie Desrosiers souligne le lien ténu entre observation participative, discussion dirigée et expérimentation. Cette dernière intervient souvent en fin de terrain, quant on a la compréhension d’un système où il nous manque des éléments.


Eric Vandendriessche pose également la question des ordres de grandeur. Dans son expérience de prof, celle-ci est souvent difficile à acquérir. Alain Le Mignot pense qu’il s’agit du contexte scolaire : les étudiants/les élèves ne pensent tout simplement pas au caractère concret de ce qui est présenté dans un Problème. Dominique Vellard raconte une histoire similaire au Mali ? au Togo ? où la transposition de problèmes liés au boulot, ne s’est pas avéré heuristique.


Eric Vandendriessche regrette l’absence de Stella Baruk qui a beaucoup réfléchi sur cette question.