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Décembre 2006 : Ethnomathématiques et pédagogie


Compte-rendu de la séance du séminaire d’ethnomathématiques du 13/12/06 : 


« Ethnomathématiques et pédagogie : la question des jeux de ficelle »




Cette séance est une séance de lecture autour de quatre articles :

Charles Moore. ‘The Implication of string figures for American Indian Education’, Journal of American Indian Education, Volume 28 Number 1, October 1988

Et trois articles tirés de Changing the faces of mathematics, Perspectives on indigenous people of North America, University of Wisconsin-Madison, 2002 :

- The learning of geometry by the inuit, a problem of mathematical acculturation (Richard Pallasio, Richard Allaire, Louise Lafortune, Pierre Mongeau)

- Yup’ik culture and everyday experience as a base for school mathematics (Jerry Lipka)

- Teaching mathematics skills with string figures (Gelvin Stevenson, James R. Murphy)


L’idée est d’ouvrir une première fenêtre sur la grande littérature ayant pour thème ethnomathématique et de pédagogie, en d’en profiter pour réfléchir à d’autres activités qui pourraient être proposées, sur la base des travaux d’ Eric Vandendriessche.

Étaient présents Eric Vandendriessche, Agathe Keller, Mitsuko Mizuno, Sophie Desrosiers, et une nouvelle venue Catherine Nowak, une ancienne enseignante de mathématique dans le secondaire et dans le supérieur, qui s’intéresse également aux questions sur les fondements des mathématiques, a travaillé sur la question des nombres mais a également des intérêts pour l’anthropologie.

La discussion porte tout d’abord sur l’enjeu pédagogique des jeux de ficelle : que veut-on transmettre ? Doit-on uniquement se focaliser sur la dimension mathématique du jeu ? Faut-il également prendre en compte d’autres propriétés, comme la dimension relaxante de l’activité, ou non ?
Eric Vandendriessche parle à ce propos de « multi compétence » (peut-être « multi facettes ») des jeux de ficelle.

Nous reviendrons régulièrement, par un mouvement de balancier, a ce problème de différentes manières.

On s’accorde que les problèmes ne sont pas les mêmes si le public est celui d’enfants qui ont l’habitude des jeux de ficelle (comme au Vanuatu) ou s’il s’agit d’enfants des écoles ici.

Dans le premier cas, en focalisant sur la dimension mathématique, Sophie Desrosiers souligne qu’il se peut que l’on perde des éléments qui se rattachent à la compréhension de l’objet par les acteurs/enfants, ou qu’il y ait des parties de l’activité qui pourraient être mathématiques, mais qu’on ne connaît pas et qu’on circonscrit par avance.

Agathe Keller évoque l’articulation entre le savoir des élèves et ceux des mathématiques scolaires, l’important étant de pouvoir faire le va et vient entre l’un et l’autre. En ce sens, les situations décrites dans l’article sur les Yup’ik sont particulièrement intéressantes en ce qu’elles supposent de dialogue avec 3 pôles, les anciens, le professeur et les élèves.

On discute tout d’abord de l’article de Charles Moore, que Sophie Desrosiers a trouvé décevant, comme s’il tournait autour du pot. Eric Vandendriessche l’apprécie car il se place du côté des créateurs des jeux de ficelle et que l’enjeu de cet article est clairement de montrer en quoi la création des jeux de ficelle relève des mathématiques. Agathe Keller souligne qu’il y a une dimension historique (on apprend que les amérindiens du Nord de l’Amérique du Nord pratiquaient les jeux de ficelle). Eric rajoute qu’en se plaçant du côté de la création, et en soulignant comment la création se fait par blocs de sous-procédures que l’on peut agencer diversement, il nous donne une idée de la manière dont les objets ont été conçus. On peut ainsi ramener souvent des figures complexes à des figures plus simples à partir desquelles des figures semblent déduites par variation et exploration. Agathe Keller souligne qu’il ne faut pas confondre organisation logique (rationnelle) et processus de découverte. Sophie Desrosiers demande à Eric Vandendriessche s’il a rencontré dans ces corpus des modes de développement ou d’organisation différentes, certaines partant en étoile à partir d’une figure donnée, d’autres progressant linéairement. Eric Vandendriessche répond qu’il n’a pas encore assez d’éléments pour répondre et qu’il n’a rien vu de frappant à ce propos. Mais qu’il rencontre souvent des figures de base à partir de laquelle on fait des choses. Il cite à ce propos un article de l’anthropologue D.Jenness sur les jeux de ficelle pratiqués dans les îles d’Entrecasteaux (Papouasie Nouvelle Guinée). Il décrit une figure qui s’appelle dans la langue vernaculaire « mère de toutes les figures ». Agathe Keller souligne que ce nom désigne peut-être une organisation du savoir, plutôt que d’être une véritable trace de genèse, même si l’idée de génération diverses à partir d’une figure simple semble par moment de bon sens.

On aborde ainsi l’article de Murphy qui ajoute l’idée d’itération et de réitération dans le mode d’élaboration de nouveaux jeux de ficelle. Murphy développe tout un ensemble d’atouts des jeux de ficelle au-delà des mathématiques. Ou peut-être à ses limites : est ce que la concentration nécessaire à toutes les étapes d’une procédure, relève des mathématiques ou non ? Eric Vandendriessche explique qu’il voit une analogie avec le calcul algébrique. Le problème étant de savoir si cette analogie à un sens pour des élèves. Pour Agathe Keller, l’analogie n’a pas forcément de valeur heuristique. Sophie Desrosiers et Catherine Nowak ne sont pas d’accord, insistant que l’analogie est une chose très forte et que cela dépend de la culture. Eric Vandendriessche explique qu’il se demande comment se fait le passage entre les jeux de ficelle et le calcul algébrique : en quoi l’étude, l’analyse de quelques jeux de ficelle pourrait, par analogie, aider les élèves en classe de mathématiques à surmonter certaines difficultés ?

En revenant à l’idée de système, Sophie Desrosiers n’est pas sure cependant qu’il s’agit de mathématique car cela pourrait tout aussi bien être de la grammaire. Pour A. Keller quand on a à faire à un système, et qu’on fait éprouver le fait qu’il s’agit d’un système formel, on fait des mathématiques. Le problème étant de savoir si cela se rattache à quelque chose du programme scolaire ou non, et si oui, comment établit-on des liens entre ces deux activités.

Sophie Desrosiers explique qu’il est important de développer l’esprit analytique : il faut non seulement voir que cela fait système mais aussi comprendre comment ça marche.

Pour Eric Vandendriessche, c’est en effet très important. Il pense cependant que beaucoup de personnes, au Vanuatu par exemple, ont une compréhension analytique de comment telle torsion transforme telle figure. Lorsqu’il va sur le terrain, il commence souvent par questionner les enfants et finit par les aînés. Il a parfois noté que certains enfants ni-vanuatu ont une bonne connaissance du système des relations qui existe entre les différents jeux de ficelle du corpus. Il explique qu’il doit au Vanuatu faire des fiches pédagogiques.Il propose de mettre en place deux activités, l’une consiste à faire éprouver des idées de symétrie en regardant comment lorsqu’on inverse les rôles des petits doigts et des pouces dans l’algorithme qui mène à une figure simple, on obtient une figure qui se transforme par une symétrie axiale.

Nous essayons de reproduire l’exercice d’ Eric Vandendriessche avec difficulté, mais on comprend bien qu’il s’adresse à des personnes qui ont eu l’habitude de faire l’une et l’autre activité. Sophie Desrosiers souligne qu’il existe d’autres formes de symétries et d’asymétries comme celle des deux mains utilisées. Catherine Nowak trouve cela très compliqué pour introduire l’idée simple de symétrie axiale dans le plan. Eric Vandendriessche explique que d’après ces souvenirs de prof au Vanuatu, les élèves ont beaucoup de mal avec la géométrie plane et sont plus à l’aise avec la 3D, donc ce serait peut-être une manière de leur en faciliter l’accès. Catherine Nowak évoque un travail avec des élèves qui consistait à leur faire découper des fruits en deux dans des tas de sens différents et d’observer les symétries ainsi créees.

Une autre activité proposée par Eric consiste à montrer la symbolisation crée par Thomas Storer, qui est mort regrettablement en novembre sans qu’Eric et lui n’aient pu se rencontrer, et de voir comment elle s’applique à la figure, à la manière dont Murphy décrit ces activités. Agathe est convaincue que cela aide à comprendre le côté concret et en même temps formel des écritures symboliques.