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Janvier 2007 : Urbitan d’Ambrosio

Compte rendu de la séance consacrée aux travaux d’Urbitan d’Ambrosio


17 janvier 2007



Le séminaire devait discuter des articles suivants :



Englash, Ron. 'Anthropological perspectives on ethnomathematics'. In Mathematics across cultures : the history of non-western mathematics, ed. H Selin. Dordrecht ; Boston: Kluwer Academic: 2000.



Urbitan d'Ambrosio:

  • L'article publié dans le hors série de pour la science "Mathématiques Exotiques" d'Avril 2006


Et sur son site internet: http://vello.sites.uol.com.br/ubi.htm

les articles:

  • A reflection on Ethnomathematics: Why teach Mathematics?
  • Ethnomathematics: my personal view
  • An Adequate Historiography for non-Western Mathematics

Et par ailleurs, s’appuyer sur le site du dernier congrès international d'ethnomathématiques

Etaient présents outre Cyrille Benhamou, Eric Vandendriessche, Mistuko Mitsuno et Agathe Keller (dont vous pourrez trouver les détails de pourquoi ils s’intéressent à l’ethnomathématique dans les CR des séances précédentes) Michel Paty, Marie-Josée Durand Richard et Martin Zerner.



Un petit tour de table permet aux uns et aux autres d’expliquer leur intérêt pour ce sujet :



Michel Paty est chercheur émérite au CNRS. Il travaille sur la philosophie et l’histoire de la physique et des sciences en général, et s’intéresse aux différents systèmes de rationalité qu’il aimerait comparer, et pour lui, les mathématiques sont un lieu privilégié pour l’exploration des formes de la rationalité. (Voir notamment : « The question of rationality in front of the diversity of knowledge practices », in D’Ambrosio, Ubiratan (ed.), Cultural Diversity: New Perspectives in the History of Sciences, in Saldaña, Juan José (ed.), Science and Cultural Diversity. Proceedings of the xxi st International Congress of History of Science (Mexico, 2001), Universidad Autónoma de México & Sociedad Mexicana de Historia de la Ciencia y de la Tecnologia, CD-Rom, México, 2005, vol. 42 , p. 3261-3281.



Par ailleurs, il connaît personnellement Ubiratan D’Ambrosio. Marie José Durand Richard explique qu’elle s’intéresse, en tant qu’historienne de l’algèbre dans l’Angleterre des XVIIIème et XIXème siècle, à la question des transmissions de savoirs d’un milieu à un autre. Elle a organisé au REHSEIS, il y à quelques années, une journée sur l’ethnomathématiques. Elle a découvert le travail de d’Ambrosio à la 1ère université d'été européenne sur l "histoire et épistémologie dans l'éducation mathématique", où il avait notamment présenté cette question de la circulation des savoirs en utilisation la métaphore du bassin de circulation, (voir texte distribué : « ethnomathematics, history of mathematics and the basin metaphor », Actes de cette université d'été, édition IREM de Montpellier , 1995). Cette métaphore lui paraît susceptible d'être appliquée à la fois pour la circulation des savoirs d'un milieu à un autre, et d'une culture à une autre..



Martin Zerner s’intéresse à l’ethnomathématique en tant que mathématicien, enseignant et historien des mathématiques.  Il demande qu’on résume en quelques points la pensée de d’Ambrosio avant de discuter.

Agathe Keller commence par résumer ce qu’elle retient de l’œuvre de U. D’Ambrosio :



U. d’Ambrosio est la personne qui a crée le terme ethnomathématique. Il comprend la discipline sur deux plans différents. L’une réfléchit à la genèse des mathématiques, qui sont produites par un milieu à la fois naturel et social particulier. Par ailleurs, il s’agit de comprendre comment les mathématiques une fois constituées interagissent avec et circulent dans le monde. En particulier il s’intéresse à la dimension politique des mathématiques, tant dans la manière dont cette discipline est enseigné que dans son rapport à la paix, et aux évènements politiques mondiaux.



Agathe Keller explique qu’elle comprend d’Ambrosio comme un rêveur au sens des rêveries de Bachelard, d’Ambrosio prenant comme thème de rêveries la question de l’universalité des mathématiques. Ce qui signifie qu’on a à faire à une œuvre qui brasse large, avance le plus souvent par analogie plutôt que par raisonnement logico-déductif, une œuvre donc multiforme avec des textes confus.



Elle rappelle que l’enseignement est au cœur de sa pensée. Eric Vandendriessche retrace d’Ambrosio dans son rapport à Marcia Ascher, qui plus ou moins en même temps que d’Ambrosio produit une définition de l’ethnomathématique comme concernant la rationalité dans les sociétés traditionnelles, rationalité que l’on peut décrire avec un langage mathématique.



MJDR et MP expliquent qu’ils aiment dans sa pensée l’idée qu’il tente de réintégrer l’universalité des mathématiques sans nier les différentes formes qu’elle a pu prendre.



Pour MJDR il montre comment l’Universalité s’est construite et comment on doit encore œuvrer à la construire.



MP remarque que notre humanité sert de fondement à construire cette universalité.



Pour lui toute rationalité est mathématique.



Martin Zerner se demande au nom de quoi on va identifier que telle activité est mathématique ou non.



Agathe Keller lui explique qu’il s’agit là du thème de notre ACI. Cependant elle fait remarquer que la question ne se pose pas pour ce qui relève de la quantification, de l’arithmétique. Alors qu’elle est problématique pour l’objet sur lequel travaille Eric (les jeux de ficelle ou string figures), qui relèverait de la géométrie.



Pour MJDR, cela vient de notre propre histoire des mathématiques qui considère que l’arithmétique relève de la pratique et que la géométrie est démonstrative, théorique, dans la tradition d’Euclide.



Martin Zerner dit qu’il faut s’intéresser à des études de cas. Eric souligne à quel point aujourd’hui l’ethnomathématique en fait peu :sur 30 présentations à l’ICEM 3, 6 portaient sur des études de cas, l’essentiel était général et posait des questions sur l’enseignement de l’ethnomathématiques. AK fait circuler des papiers qui étaient proposés à l’ICEM3 mais non présentés.



Alberti, M. & Gorgorió, N. Cultural tools as mediators of mathematical cognition: Iron and bamboo compasses of the Torajan woodcarvers of Sulawesi.



Alberti, M. The Kira-kira method of the Torajan woodcarvers of Sulawesi to divide a segment into equal parts.



Karam, R. & Liblik A. Skilled calculus from Brazilian´s northeastern farming region.



Il y en a d’autres sur le site.



Nous revenons à la dimension politique des travaux de d’Ambrosio. Il y a tout d’abord les questions soulevées par le fait qu’il considère que le savoir est particulier, et naît de conditions naturelles qui l’influent. AK évoque les travaux de Vithal, Renuka & Skovsmose, ole, ‘The end of innoncence: A critique of 'ethnomathematic’s inEducational Studies in Mathematics (34), 131-158,1997, qui mettent en parallèle de tels discours avec les programmes éducatifs de l’Afrique du Sud sous l’apartheid. Bien sûr que d’Ambrosio n’est pas raciste, mais de fait la question précise de la manière dont nature et culture s’articulent en mathématique est problématique.



Pour MJDR la connaissance naît de l'expérience, mais les opérations de l'esprit sont innées, et donc universelles. Le problème reste de déterminer les "idées simples" sur lesquelles opère cet esprit....



AK se pose la question de la date des idées de d’Ambrosio. Elle y voit quelque chose de daté. Finalement, d’Ambrosio soutient l’idée qu’il y a une manière « politiquement correcte » (lire : de gauche, eg en montrant que les mathématiques sont plurielles, en devenir etc ) d’enseigner les mathématiques qui permettraient de manière univoque de rendre le monde meilleur. Parallèlement donc, il y a une manière de droite (eg monolithique et close sur elle-même) d’enseigner les mathématiques qui produirait et est le produit d’une société fascisante. Ce point de vue est à la fois simpliste et suppose que tout être humain est toujours cohérent dans ses activités avec ses idées politiques.



Pour MJDR il n'empêche que bon nombre des collègues qui se sont lancés dans l'histoire des maths dans les années 1970 partageaient l'idée que l'enseignement qui consiste à balancer un édifice théorique sans lien avec le réel, ni le vécu des élèves, était catastrophique, et sinon réac, du moins élitiste, dans la mesure où un tel enseignement privilégie la dimension "maîtrise du langage", qui est le propre des élèves issues des classes sociales qui ont déjà acquis cette maîtrise : le problème reste entier aujourd'hui, autour de la question du collège unique : il ne suffit pas de donner le même enseignement à tout le monde, puisque les élèves arrivent avec des conditions d'accès au savoir très différentes les uns des autres, et qu'à l'évidence, il ne suffit pas de leur donner la même chose pour qu'i!ls deviennent égaux : j'ai presque envie de dire : au contraire.



Agathe Keller pose la distinction entre langage mathématique pour décrire des objets et le point de vue des locuteurs.



MJDR donne l’exemple des travaux de Bernard Jaulin sur les sonneurs de cloche au XVIIème siècle, dont la succession des différentes manières de sonner les cloches formait un groupe. Pour MJDR ce qui compte c’est : est que c’est opératoire ? Est-ce qu’elle met en œuvre les propriétés mathématiques qui ont pû être explicitées dans d'autres contextes, en particulier celles dont nous disposons ?



Michel Paty cite La pensée sauvage de Levi- Strauss et la pensée des systèmes de parenté dans les cultures des « peuples sans histoire écrite » comme relevant d’un système de groupe (influence d’André Weil sur Lévi-Strauss). Eric Vandendriessche rappelle que la mathématisation de l’objet venait d’André Weil et que Marcia Ascher a traité de cet exemple dans l’un de ses articles ;



Tout cela témoignerait d’activités mathématiques non explicites certes mais non moins effectives pour cela (MP). Agathe Keller évoque le fait de parler une langue : on n’est pas pour autant conscient qu’elle forme un système. Pour MJDR et MP, le problème est qu'une langue n’est pas un système, elle déborde largement non seulement la conception d'un système formel, mais aussi celle des objets mathématiques.



Martin Zerner pose la question de la méthodologie de terrain. Nous évoquons le fait qu’il faille utiliser sa propre représentation des mathématiques pour rendre compte de l’objet qu’on observe. Nous évoquons ainsi les expériences de Marc Chemillier et la manière dont il recherche la « saturation d’ espaces logiques ».



Eric Vandendriesshce explique que dans ses travaux il ne se pose plus la question de savoir si les jeux de ficelle sont des mathématiques ou non. Il a répondu à la question par l’affirmative, en quelque sorte. Cependant il se demande comment cela doit se traduire dans l’enseignement. Il renvoie ainsi aux problèmes évoqués dans le dernier séminaire : le matériel qu’il doit produire pour l’enseignement au Vanuatu, qui a été la condition posée par les autorités de ce pays pour lui accorder son visa de chercheur. C’est donc lui, quelqu’un d’extérieur, qui va réaliser un document pédagogique. Mais au nom de quoi ? De l’idée universelle de symétrie à faire passer aux élèves ?



Agathe Keller fait dévier le problème, en évoquant comment les jeux de ficelle nous semblent, à nous qui ne les pratiquons pas, un objet compliqué pour enseigner la symétrie. MJDR souligne à ce propos que, dans notre héritage, tant rationaliste (Descartes) qu'empiriste (Locke), le « simple » se combine pour faire du « compliqué ». Silence est fait en général sur la façon dont le "simple" doit, pour se faire, d'abord être extrait du compliqué.



MP rappelle que d’Alembert (dans une veine cartésienne, bien que dans la ligne lockéenne) au contraire explique comment il faut abstraire le simple des faits compliqués. La théorisation et la reconstruction du simple impliquent que la pensée, la rationalité s’applique à la complexité des faits.



Eric Vandendriessche souligne ici comment la simplicité semble varier de culture à culture. Martin Zerner explique que cela a une conséquence sur l’ordre dans laquelle on effectue des enseignements.



Nous revenons sur la question d’Eric. MZ évoque à travers la figure d’un instituteur du Chiapas qui approfondit l’étude de sa langue et sa numération pour enseigner, une histoire d’ethnomathématique vécue de l’intérieur. C’est le fait que le changement de l’enseignement vienne de la communauté locale elle-même qui change tout. AK évoque les communautés qui au contraire ne s’intéressent pas à leurs savoirs traditionnels « dévalorisés », que faire alors ? EV évoque des discussions sur la question des traductions de termes suivant les langues, évoquées à l’ICEM3 et qui participent de ces questions.



Cyrille Benhamou évoque la question du contexte qui permet de donner sens à ce qui est enseigné. Il s’agit de passer de la pratique au savoir.



AK souligne que la question entre pratique et savoir et comment on passe de l’un à l’autre est l’un des thèmes de notre groupe de travail.



CB ajoute qu’enseigner c’est permettre de sortir du cadre particulier où une activité est pratiquée pour permettre un usage global de cet objet (devenu savoir).



AK rappelle que les travaux de Senthil Babu sur l’enseignement traditionnel des mathématiques en Inde du Sud mettent l’accent sur le fait que le savoir ne se transmet pas seulement d’un maître à des élèves. Les problèmes et le savoir transmis dans le cadre scolaire sont repris et développés dans le cadre familial et dans le voisinage. La transmission du savoir est collective, et pas limitée dans un lieu et à une personne. CB évoque le cas d’enfants d’émigrés qui en perdant la langue de leurs parents perdent également leur accès au savoir en français. AK se demande la part du culturel et la part du social dans ces problèmes (si on vient d’une famille d’intellectuels quelle que soit sa culture on est à l’aise avec le savoir…).



MP évoque la question du psychologique dans l’enseignement.



Jaulin, Bernard
Sur l'art de sonner les cloches. Mathématiques et Sciences Humaines, 60 (1977), p. 5-20